Première sculpture installée dans un lieu public, la présence de l’Homme au mouton au cœur de la ville de Vallauris, face au musée, intrigue le visiteur. Installée sur la place du marché, cette sculpture n’a pas eu de destination précise. Entre le moment du don en 1949 et son inauguration sur la place en 1950, elle fut conservée dans la chapelle du château. Puis, Picasso lui-même, décida de son emplacement actuel.
Elaborée très rapidement, cette statue est cependant précédée de nombreuses esquisses et de mois de réflexion. Picasso considérait l’Homme au mouton comme une œuvre maîtresse. Cette statue est une œuvre à part tant par sa facture que par son sujet. En effet, peu de personnages masculins et encore moins d’œuvres symboliques sont présents dans l’œuvre sculptée de Picasso.
Le thème renvoie au thème païen de l’Hermès criophore et au thème chrétien du « bon pasteur ». Picasso réfutait pourtant cette hypothèse : « Ce n’est pas du tout religieux, l’homme pourrait porter un porc au lieu d’un mouton ! (…) Dans l’homme au mouton, j’ai exprimé simplement un sentiment humain, un sentiment qui existe aujourd’hui comme il a toujours existé. » Le thème rejoint par son humanisme le contexte de la guerre et, par son attitude pathétique, l’agneau fait figure de victime.
Les historiens d’art ont souligné l’aspect novateur du travail de Picasso, des premiers assemblages de 1912 à l’utilisation de matériaux de rebut dans les années cinquante. Picasso en 1944 renoue avec un certain classicisme en usant d’une technique et d’un sujet traditionnels, tout en transgressant en permanence l’académisme : impression de sculpture faite d’un seul jet, déséquilibre, yeux exorbités, puissance du geste, disproportion des jambes et des mains, bizarrerie anatomique et modelé très libre.